La contestation des amendes serait-elle devenue impossible en France ? C’est ce que pense 40 millions d’automobilistes. Malgré l’existence d’une procédure permettant la contestation, il s’avère que dans les faits, la plupart d’entre elles sont systématiquement rejetées sans réel motif légal. L’association lance aujourd’hui un appel à témoin afin d'entamer une action collective contre l’Etat français auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et espère ainsi faire bouger le gouvernement.
L’association 40 millions d’automobilistes dressait hier lors d’une table ronde juridique, un bilan alarmant de la situation actuelle du droit à la contestation en France. En effet, les automobilistes seraient les premières victimes d’un système où les officiers du ministère public abusent de leur pouvoir en toute impunité.
Comment contester ?
Selon le Code de procédure pénale, les automobilistes peuvent contester un procès verbal s’ils le souhaitent, en adressant une réclamation à l’Officier du Ministère Public (OMP). Ils doivent pour cela verser une consignation, un montant (égal à celui de l’amende forfaitaire).
La demande doit ensuite être étudiée par l’OMP. S’il n’a pas à juger la recevabilité de la réclamation, il peut : décider de faire preuve d’indulgence en classant sans suite, saisir la juridiction compétente et transmettre le dossier, ou enfin, déclarer la contestation irrecevable sur la forme. Seuls quatre cas de figure peuvent mener à ce rejet : si l’avis de contravention original n’est pas joint, si le délai de 45 jours est dépassé, si la contestation n’est pas motivée, ou si la consignation n’est pas jointe.
Dans toutes les autres situations donc, l’OMP a l’obligation de porter l’affaire devant la juridiction de proximité. En réalité, ce n’est que très rarement le cas.
La France hors la loi
Dans la pratique, les OMP se substituent régulièrement aux juges, en appréciant eux même la pertinence des requêtes. Rémy Josseaume, docteur en droit pénal routier et président de la commission juridique de l’association 40 millions d’automobilistes, dénonce l’illégalité de cette pratique « contraire à l’article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qui stipule que seul un tribunal indépendant et impartial établi par la loi peut décider du bien-fondé de toute accusation en matière pénale ».
En effet, les OMP, qui ne sont pas des magistrats comme les autres, bénéficient d’un statut hybride. Officiers de police, ils sont dans ces affaires juges et parties, puisqu’ils estiment la légalité des procès verbaux rédigés par leurs services. 40 millions d’automobilistes préconise soit une formation de ces officiers à la procédure, soit leur remplacement par des procureurs.
Car les conséquences sont graves pour le justiciable. Sa demande ayant été automatiquement rejetée, son amende est alors majorée par le Trésor public, qui n’a pas été informé dans le délai légal d’une contestation de l’infraction par l’Officier du Ministère Public. Du même coup le retrait de point, suspendu normalement le temps de la contestation, est effectué. Une violation supplémentaire du droit français puisque, selon l’article 529-2 du Code de procédure pénale, l’amende ne peut être majorée qu’en l’absence de paiement et de réclamation.
« Ces pratiques abusives, ajoutées au principe de consignation qui impose le paiement préalable de l’amende avant toute réclamation devant un juge, sont autant d’obstacles à la contestation d’un PV. La complexité du système et l’enjeu financier ont, bien souvent, raison de la pugnacité des contrevenants, qui découragés préfèrent abandonner les poursuites et se soumettre à la violation de la loi », commente Maître Philippe Yllouz, l’un des avocats spécialistes du droit routier membres de la commission juridique de 40 millions d’automobilistes.
L’abus de pouvoir des Officiers du Ministère Public a déjà été pointé du doigt à plusieurs reprises. L’Etat français a été condamné deux fois par la Cour Européenne pour cela. Même le Médiateur de la République a dénoncé ce problème en 2004 et proposé une réforme du système, restée depuis sans effet.
Appel à témoin
40 millions d’automobilistes lance donc un grand appel à témoin. Toutes les personnes dont la réclamation aurait été illégalement rejetée ou recouvrée par exécution forcée, peuvent envoyer leur dossier à la Commission juridique pour être étudié (formulaire de constitution de dossier accessible depuis le site 40millionsdautomobilistes.com). Selon René Queffélec, président de l’association, « cet appel à témoin national va nous permettre de démontrer devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme, l’importance de telles pratiques illégales en France. L’Etat n’aura d’autre choix que de réformer son système, pour garantir le respect des droits de la défense ».
source: autonews